Nous entrons dans notre deuxième lune: 

Je suis séparé(e) de toi

Après l’étape fusionnelle du début de la vie, l’enfant commence ses premiers pas vers l’autonomie. Il ou elle prend conscience que sa mère et lui sont deux personnes différentes. Il mesure cet abîme et veux commencer à explorer le monde. Elle va s’éloigner de sa mère et revenir, jouant proche et puis plus loin pour apprivoiser cet espace et vérifier que sa mère est toujours là, malgré la distance.
Certaines mères vivent bien le désir d’exploration de leur petit, d’autres voudraient le ramener dans la fusion. Certaines vont avoir peur de tout et retenir sans cesse l’enfant qui tente de faire du sens avec le monde qui l’entoure. D’autres encore, fragiles dans leur ego, risquent de rejeter cet enfant qui tente de prendre une forme d’autonomie en disant « non » « faire tout seul »…
C’est aussi le début de la communication. L’enfant doit maintenant exprimer ses désirs, pleurer ne suffit plus à lui apporter ce qu’elle désire. Parfois la frustration de ne pas être comprise quand elle désigne un objet la pousse à dire le mot qui le représente.

Maintenant adulte, cette lune nous donne l’occasion de travailler cette étape très importante de la séparation. Nous venons de vivre la fusion, le paradis terrestre où nous n’avions besoin de rien. Nous sommes venus au monde et cette fusion s’est prolongée un moment (dans le meilleur des cas, bien sûr). Maintenant les bras de maman sont « trop petits » comme l’était son ventre il n’y a pas si longtemps. Le monde nous attend! Et quel monde! Mystérieux, grandiose et magnifique; étrange et dangereux; fascinant et merveilleux. Qu’il est immense! Notre curiosité naturelle nous pousse maintenant à chercher à comprendre; nos jeux serviront l’apprivoisement de cette vie, de cette nature et de ces lois: les choses lâchées tombent, apprendre à marcher c’est apprendre à ne pas tomber, tomber fait mal mais on fini par se relever; il y a des choses qui se mangent, d’autres non; des animaux de compagnie mais aussi des bêtes qui piquent ou qui mordent; des couleurs, des goûts, des sons, des sensations. Explosions sensorielles, brouhahas et tourbillons d’apprentissage multiple. Wow, quel terrain de jeu!

Comment s’est vécu cette période pour vous?

Pour le savoir, observez ce qui se passe dans vos relations. Nous abordons nos relations de la même façon, en commençant par la fusion, le « nous » et le confort de trouver un(e) partenaire qui nous ressemble. Nous sommes pareils…et puis…ça change. Les petits travers que je trouvais mignons au début m’énervent. Il ne semble plus me comprendre…Elle a changé…je ne l’aime plus comme avant…il n’a plus de sentiments amoureux…il ne me devine plus…blablabla.

La « séparation » nous fait prendre conscience de nos différences là où la fusion nous ramenait à nos semblances.
Comment est-ce que nous vivons cette distance ? Sommes-nous capable d’apprécier nos différences? Ou bien est-ce que cela nous heurte, nous inquiète, nous dérange? Où est passée notre curiosité naturelle? Nos désirs d’apprendre? Notre spontanéité à aller vers l’autre?

Est-ce que j’ai la nostalgie de la fusion? Alors je risque de rompre pour me perdre à nouveau dans une nouvelle fusion…
Suis-je capable de boire du même vin mais pas dans la même coupe comme le disait Khalil Gibran?
C’est l’étape cruciale de définir mon unicité face à celle de l’autre; d’apprendre à communiquer sur un mode plus autonome; de tenter d’accepter l’autre tel qu’il(elle) est sans essayer de le changer
Suis-je capable de demander ce dont j’ai besoin? Suis-je capable de recevoir? De donner? De refuser?
Je dois apprendre à me définir par rapport à l’autre.
Et cela ne devrait pas mettre la relation en danger, si l’autre est aussi capable de se définir par rapport à moi.

Et ayons comme but d’être comme «les piliers qui soutiennent le temple se dressent séparés, Et le chêne ne s’élève pas dans l’ombre du cyprès» Khalil Gibran, Le prophète.

Comme des cyprès. Si près. Pas trop. Sans chaîne.
(Quelle belle langue que le français qui permet ces jeux de mot et nous révèle ainsi des sens profonds!).

Ho!